Muette ?
SCÈNE IV. - LUCINDE, VALÈRE, GÉRONTE, LUCAS, SGANARELLE, JACQUELINE
SGANARELLE: Est-ce là la malade?
GÉRONTE: Oui, je n'ai qu'elle de fille; et j'aurais tous les regrets du monde si elle venait à mourir.
SGANARELLE: Qu'elle s'en garde bien! il ne faut pas qu'elle meure sans l'ordonnance du médecin.
GÉRONTE: Allons un siège.
SGANARELLE: Voilà une malade qui n'est pas tant dégoutante, et je tiens qu'un homme bien sain s'en accommoderait assez.
GÉRONTE: Vous l'avez fait rire, Monsieur.
SGANARELLE: Tant mieux: lorsque le médecin fait rire le malade, c'est le meilleur signe du monde Eh bien! de quoi est-il question? qu'avez-vous? quel est le mal que vous sentez?
LUCINDE: répond par signes, en portant sa main à sa bouche, à sa tête et sous son menton. Han, hi, hom, han.
SGANARELLE: Eh! que dites-vous?
LUCINDE: continue les mêmes gestes. Han, hi, hom, han, han, hi, hom.
SGANARELLE: Quoi?
LUCINDE: Han, hi, hom.
SGANARELLE: la contrefaisant. Han, hi, hom, han, ha: je ne vous entends point. Quel diable de langage est-ce là?
GÉRONTE: Monsieur, c'est là sa maladie. Elle est devenue muette, sans que jusques ici on en ait pu savoir la cause; et c'est un accident qui a fait reculer son mariage.
SGANARELLE: Et pourquoi?
GÉRONTE: Celui qu'elle doit épouser veut attendre sa guérison pour conclure les choses.
SGANARELLE: Et qui est ce sot-là qui ne veut pas que sa femme soit muette? Plût à Dieu que la mienne eut cette maladie! je me garderais bien de la vouloir guérir.
Molière.