La Princesse de Clèves

Ce matin, j'écoutais tranquillement Inter, et, comme c'est vendredi la chronique hebdo de l'excellent Philippe Val. Il nous a remis en mémoire quelques sorties du président de la République lorsqu'il était en campagne (plus précisément discours de Lyon 3 décembre 2006).

Un petit tour sur le Web, et hop, voici un extrait de ce dont Val parlait ce matin:

«Dans la fonction publique, il faut en finir avec la pression des concours et des examens. L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle ! En tout cas, je l’ai lu il y a tellement longtemps qu’il y a de fortes chances que j’aie raté l’examen ! »

Oui, vous avez bien lu... Cela m'avait échappé à l'époque, mais un tel mépris vaut le déplacement.

Sofi comme toi j'ai entendu la chronique de Philippe Val sur Inter.

Il a fait effectivement fait remarquer que NS avait à plusieurs reprises pris pour exemple la Princesse de Clèves en disant qu'il fallait arrêter de mettre ce genre de "prose" au programme des concours, examens etc......

Ce qui surprend Philippe VAL c'est qu'aucun littéraire, écrivain, académicien de notre pays ne se soit offusqué de ce type de propos....

J'ai bien l'impression que la résignation atteint toutes les couches de notre société

J'ai entendu comme vous. On a dû l'humilier avec ce texte quand il était mino.

Une époque s'achève, cela dit. C'est désolant car nous sommes des gens de culture et nous nous nourrissons du passé. Mais l'actuel pouvoir nous prépare à un élagage en règle. Les propos que tu cites sont à la fois lamentables et en même temps, que veux-tu, on ne peut pas demander aux gens de se nourrir de valeurs qui sont lettre morte pour eux. Restons entre personnes éclairées, savourons l'élégance, la beauté, la profondeur, le style, et puis le reste...

J'enseigne l'art au bon peuple et, désolé de le dire, l'enseignement culturel de masse, je n'y crois plus. Les enseignants de moins de trente ans font des fautes d'orthographe sur les bulletins des élèves et cela ne semble pas les gêner. Alors, on réformera l'ortograf pour sinplifé lé choz et neu plu séleksioné les postulan o concour sur de tel futilité.

Alors tu sais, La Princesse de Clèves... Je me souviens d'une collègue de lettres qui, voici vingt ans, se targuait de ne pas avoir lu l'oeuvre. Elle s'en vantait, à la limite.

Nous sommes en 2008 et plus ça ira, moins il y aura de gens ayant assisté au vernissage de la grotte de Lascaux ainsi qu'à la première représentation des Précieuses Ridicules.

Pierre_78 a écrit:

Nous sommes en 2008 et plus ça ira, moins il y aura de gens ayant assisté au vernissage de la grotte de Lascaux ainsi qu'à la première représentation des Précieuses Ridicules.

Je ne te rejoins pas dans tn analyse Lapin.

Cela fait partie non seulement de notre culture mais également de notre Histoire.....

Où peut aller un peuple sans culture et sans Histoire donc sans référence....

Pour moi, dans le mur

vidoc a écrit:

Où peut aller un peuple sans culture et sans Histoire donc sans référence....

Pour moi, dans le mur

Sans me montrer excessivement pessimiste, si tu avais quotidiennement devant toi des petits d'hommes de 14 à 15 ans, dans un collège moyen de notre beau pays, tu te demanderais sans doute si beaucoup ne sont pas déjà dans le mur !

post-retraité a écrit:

vidoc a écrit:

Où peut aller un peuple sans culture et sans Histoire donc sans référence....

Pour moi, dans le mur

Sans me montrer excessivement pessimiste, si tu avais quotidiennement devant toi des petits d'hommes de 14 à 15 ans, dans un collège moyen de notre beau pays, tu te demanderais sans doute si beaucoup ne sont pas déjà dans le mur !

Faut-il, tu crois, pour autant désespérer?

Meuhhh non, bien sûr !

vidoc a écrit:

Sofi comme toi j'ai entendu la chronique de Philippe Val sur Inter.

Il a fait effectivement fait remarquer que NS avait à plusieurs reprises pris pour exemple la Princesse de Clèves en disant qu'il fallait arrêter de mettre ce genre de "prose" au programme des concours, examens etc......

Ce qui surprend Philippe VAL c'est qu'aucun littéraire, écrivain, académicien de notre pays ne se soit offusqué de ce type de propos....

J'ai bien l'impression que la résignation atteint toutes les couches de notre société

Je suis absolument d'accord avec toi, Vidoc.

post-retraité a écrit:

Meuhhh non, bien sûr !

Et surtout NE PAS BAISSER LES BRAS.

Au point où nous en sommes, il me semble plus urgent d'éviter à nos mômes des cancers en série plutôt que de les gaver avec La Princesse de Clèves. Or il faut faire des choix, on ne peut plus tout vouloir en même temps.

J'espère tout de même qu'on ne me soupçonne pas d'être un fossoyeur de la culture. Mais il y a une telle accumulation, un tel empilement...

C'est drôle, je n'écoute pas la radio (ni radio, ni télé, ni journaux … euh … je ne m'en vante pas, hein ?) mais j'avais lu cela sur Internet voici un mois environ. Il y avait eu des réactions, vous savez.

A ce sujet, un article (billet d'humeur) sur Libé, que j'avais trouvé très bien à l'époque, en faisant quelques recherches : "la princesse de Clèves au Kärsher"

http://www.liberation.fr/rebonds/218279.FR.php?mode=PRINTERFRIENDLY

Le mépris (pour la culture et les guichetières) m'avait mise dans une grande colère et une vraie tristesse.

Il est parfaitement vrai que N.S. en parlant de la sorte ne fait que représenter un électorat, et de manière plus générale, tous ceux, en France, que la culture indispose. Je n'ai d'ailleurs jamais compris en quoi ni pourquoi la culture (et les mises en relations qu'elle permet) pouvait indisposer.

Je n'ai pas en face de moi des petits d'homme de 13 ou 15 ans. Ceux que j'ai devant moi sont plus âgés, et aussi peu cultivés que ce que sous-entend fortement Post. Je me demande même (et je leur demande ) comment au nom du ciel ils sont parvenus à arriver à 20 ans sans rien savoir. Même la musique qu'ils écoutent toute la journée dans leurs oreilles, ils n'en connaissent pas l'interprète, l'origine, la construction, l'histoire, l'année …

Mais … mais … mais : ils sont intelligents (eh oui) et, souvent (en tout cas à cet âge) ils commencent à mesurer en faisant des études dites supérieures, l'étendue de ce qui leur manque. La maturité vient, peu à peu. Certains s'accrochent vraiment. Et ils ont du mérite parce qu'ils sont obligés de rattraper tant de choses …

Rien n'est perdu. Hier, j'ai parlé avec un de mes étudiants de licence, Karl, qui vient de décrocher son diplôme. Un étudiant moyen. Il m'a dit avec ses mots ce que ses études lui avaient apporté.
"Je ne pense plus du tout pareil que quand je suis rentré à la fac, je peux rattacher un fait à un autre fait et encore à d'autres. Quand je lis une information, je veux tout de suite voir son origine. Je ne supporte plus que les gens mélangent tout, (SISISISI, il l'a dit : Ossanha !) j'énerve mes amis en demandant qu'ils emploient des termes exacts pour nommer les choses."
Il a dit encore plein de trucs et nous lui avons demandé des suggestions pour améliorer nos maquettes d'histoire.

Alors, même si culturellement, il lui manque encore bien du contenu … L'essentiel est fait, sans lequel jamais rien n'est possible.

Certains d'entre vous comprendront quelle joie nous éprouvons quand, à l'occasion et presque par hasard, un étudiant nous dit des choses comme ça.

Dans ces cas là, le Sarko, pour moi, il peut bien aller se rhabiller.

très touchant témoignage, miss tomorrow.

C'est Karl qui était touchant. Et qui m'a fait éclater de rire (je viens de faire une faute de frappe marrante : "éclater de dire") quand il a nous a expliqué gravement qu'à présent, il offrait plein de dictionnaires à ses copains, en cadeau.

y'a ici, un certain nombre de djeunes innocents qui doivent nous bénir in petto …

Beau témoignage, effectivement, et qui fait du bien.

Mais derrière cet arbre, il y a tout de même une forêt assez sombre, je rejoins Lapin là-dessus. Je gagne ma vie (en partie) en écrivant, relisant et corrigeant des textes divers. Parfois je me demande si je ne suis pas le dernier des Mohicans. Mon boulot a du sens tant qu'il y a quelque part, dans des entrerises ou des administrations, des chefs qui attachent de l'importance à un texte correctement écrit, sans fautes. Mais cette génération-là disparaît peu à peu. Quand elle sera remplacée par ceux qui sortent de chez Demain (pas Karl, mais ses copains...) et puis par la génération "texto", est-ce qu'il y aura encore un consensus pour dépenser de l'argent à ça? Du moment que tout le monde comprend...

On rejoint donc le discours de Sarkozy. Le test dont il parle a encore été conçu par cette ancienne génération d'administrateurs et de hauts fonctionnaires pour qui une certaine culture n'est pas un vain mot. Sarkozy, lui, se fait l'interprète de la génération montante...

Oui, Chimel. Et c'est précisément la raison pour laquelle il faut continuer à témoigner (et par l'exemple) tout le temps et partout que la culture c'est quelque chose d'essentiel. Continuer à avancer shootés à la culture que nous sommes, en mettre partout (et comment faire autrement quand elle nous constitue ?),
Et vous savez quoi ? parfois, il y a des gens qui comprennent. Ou qui ressentent.

La culture n'est même plus géométrique.
J'ai constaté ce matin que, dans une classe de 3ème, la plupart des élèves ne se rendaient pas compte de ce que représente... 1 litre ! Il fallait les voir essayer de se le représenter dans l'espace - en écartant les mains dans tous le sens - pendant que je leur expliquais ce que, me semble-t-il, j'avais en mon temps appris en 7ème (pardon, en CM2).
Bon, si j'ai pu combler cette lacune (et bien d'autres avec), je n'ai pas perdu complètement mon temps. :lol:

Moi je sais faire.

L'expérience est simple :

1) Boire 1 litre de vodka cul-sec.
2) chercher à se représenter dans l'espace ce que cela occupe, en s'aidant de ses bras. On constate alors que les moulinets des membres supérieurs (je n'ose évoquer les inférieurs) matérialisent un volume NETTEMENT supérieur à un décimètre cube.

3) Recommencer en buvant 2 litres.
4) On observe que les gestes cèdent le pas à la parole ; le résultat est en général énoncé en russe.

4) Réitérer avec 5 litres.
5) Là, c'est très différent, les bras mesurent assez précisément les dimensions de la tombe dans laquelle on ne va pas tarder à se rendre.

Amen.

post-retraité a écrit:

La culture n'est même plus géométrique.
J'ai constaté ce matin que, dans une classe de 3ème, la plupart des élèves ne se rendaient pas compte de ce que représente... 1 litre ! Il fallait les voir essayer de se le représenter dans l'espace - en écartant les mains dans tous le sens - pendant que je leur expliquais ce que, me semble-t-il, j'avais en mon temps appris en 7ème (pardon, en CM2).
Bon, si j'ai pu combler cette lacune (et bien d'autres avec), je n'ai pas perdu complètement mon temps. :lol:

J'ai déjà constaté ce genre de chose aussi: il y a manifestement un rapport plus problématique avec la réalité concrète et tangible.

On manipule moins les choses réelles, on est davantage dans le virtuel.

Nous aussi? Oui, mais nous on peut parce que quand on était petit, on a d'abord eu le réel.

La méthode du Lapin est excellente. Je me demande si on peut remplacer la vodka par du jus de carotte, et en quelle langue on parle, alors …

Ca...

@ Chimel : nous maîtrisons plusieurs niveaus de langage et, si je dois écrire fonétik pour envoyé 1 texto, c pa 1 pb, je sé fer. Mais nous avons commencé par acquérir des fondations, et un peu plus, qui sont garantes de mille choses. En revanche, les jeunes générations sont de plus en plus fragilisées par le rouleau compresseur qui déstructure la langue, et même le langage. Moi aussi je fréquente des collégiens, et c'est affligeant. Un verbe ? C'est quoi ce machin ? Ca se reconnaît comment ?

Chimel a écrit:

On manipule moins les choses réelles, on est davantage dans le virtuel.

Nous aussi? Oui, mais nous on peut parce que quand on était petit, on a d'abord eu le réel.

Soit Chimel, mais ces galopins, depuis qu'ils sont mômes, ont tout de même vu, touché, utilisé des briques de 1l de lait (je l'écris en petit pour ne pas choquer Demain qui nous lit), ou des briques de 2l de jus de fruits pleins de sucre à caries, non ?

Ils n'ont pas conscience, les connexions nerveuses ne se font pas. Ils entendent vaguement "un litre" mais JAMAIS ils ne se sont RENDU COMPTE de manière significative de ce que cela représentait. Ils n'intègrent pas. Je le vois avec mon fils, pourtant immergé dans un milieu favorisé. Il intègre ce qui nourrit son principe de plaisir (incollable en jeux vidéo), mais TOUT ce qui est enseigné par des profs, au mieux c'est sympa en passant, au pire (cas fréquent), ce sont des obstacles qu'il faut surmonter afin de décrocher une note correcte.

Lorsque je vois ses travaux écrits, je suis désolé de dire qu'à 15 ans, il s'exprime moins bien que moi à 10. Et il est tenu pour doué par sa prof. Mais, je le répète, il est vif d'esprit, connaît des centaines de chansons hard rock par coeur et tient parfois des raisonnements que je trouve très pertinents.

Alors, vous savez, La Princesse de Clèves...

On ne se rend pas compte que le monde qui nous a nourris, émerveillés, est en train de mourir à grand pas. C'est atroce, je dois faire des pattes et des oreilles pour m'y faire et... lâcher prise. Terrible spectacle que celui d'une civilisation à l'agonie. Je vis en permanence dans la musique classique, de préférence ancienne (mais parfois actuelle, car il y a des merveilles contemporaines), je vibre chaque jour à la simple évocation de l'époque que j'aime par-dessus tout (de la fin du XVème siècle au début du XVIIème), mais je sais que c'est la fin, que les carottes sont cuites, et qui plus est réchauffées au micro-ondes. J'espère juste mourir au pied d'un château Renaissance en écoutant Josquin des Prés ou Monteverdi, ce que les moyens technologiques actuels devraient me permettre de concrétiser si tout va bien.

Que faire, sinon ? Résister ? D'une certaine façon, oui, il le faut. Transmettre des bribes, retarder, éveiller quelques consciences... La vulgarité envahit tout, c'est une horreur. Quand je pense que des millions de gens se bidonnent à en pleurer devant les guignols de Canal + ! J'ai du regarder ce machin deux fois dans ma vie, je n'ai pas tenu 5 minutes tant j'ai trouvé cela nul. L'enseignement de l'art en collège ? Du bricolage sacerdotal et puis voilà.

Je partage en grande partie ce que vient de dire le Lapin. Les deux premiers paragraphes en tout cas, car ce Lapin vient subrepticement de compléter et j'ai pas encore lu le reste …

Avec, en filigrane, l'idée que … la culture dans laquelle Lapin fils a été bien malgré lui immergé par papa Lapin, et à laquelle peut-être aujourd'hui il résiste … cette culture n'est pas perdue du tout.

Elle ressurgira, un jour où l'autre.

Mes étudiants sont souvent gentils, intelligents, en bonne santé et plein d'humour. Et brillants de vie. Alors … bon, le reste … on peut simplement leur dire, leur re-dire, leur re-re-dire sans cesse que ça existe et que ça donne de la joie, beaucoup.

peut-être un jour faudra-t-il faire une sorte d'Arche de Noé de la culture.
ou peut-être dans quelques générations les jeunes redécouvriront la poésie , l'histoire ou Socrate, et traiteront leurs vieux parents d'ignares incultes.
En Irak, des biblothèques entières ont été pillées , des statues de Bouddha massacrées. Mais ici, tout est intacte, dans la pierre, les CD.
Je ne fais aucune différence dans mon coeur entre l'épopée de Gilgamesh et la Chanson de Roland, mais si le patrimoine est préservé, ya de l'espoir, ya de l'espoir.
et c'était une des raisons qui m'a fait voter Bayrou : cette différence d'être , où la culture a ses racines.
mais maintenant, avec une "première dame" qui chante "tu es ma came" , on peut s'attendre à tout...